CRIMESTant de choses à dire sur Crimes...
La forme tout d'abord. Une maquette agréable avec ses photos dans les marges et ses nombreuses photos d'époque qui mettent dans l'ambiance. Le choix des auteurs d'en faire un roman-jeu est déconcertante au premier abord, mais en fin de compte les informations sont savamment distillée au travers du récit et plongent rapidement dans l'ambiance du Paris de la Belle Epoque. La plume est agréable et une fois l'appréhension première passée, on se laisse vite emporter sur les traces de l'agent Carter.
Le fond ensuite, à savoir le jeu lui-même (après tout nous sommes rôlistes, voici notre fond de commerce, si je puis m'exprimer ainsi). C'est tout simplement grandiose.
Les règles, premièrement, sont parfaitement adaptées au jeu. Des jets de dés simples, faciles à occulter grâce aux niveaux de maitrise nommés ("tu es pratiquant en traque ? Bien, tu vois des traces de pas sur le gravier du jardin"), le système est fluide et tourne parfaitement. Mais ce qui fait la grandeur du système de Crimes, c'est son système de psychologie, fortement inspiré de la théorie psychanalytique de Freud. Angoisse, névrose, psychose. Trois jauges plus ou moins interdépendantes qui permettent à tout instant de juger de l'état psychologique du personnage et d'ainsi interpréter au mieux sa déchéance.
Déchéance dis-je ? Oui, car c'est là un autre point fort du système : un personnage qui s'avance trop dans les méandres de la folie finit par être frappé de déchéance. Ici, tous les (anti)héros du genre fantastique ont leur place, avec des "pouvoirs" qui rendent le personnage plus qu'humain, mais toujours dans la subtilité. Si elles devraient, AMHA, être réservées aux antagonistes, les déchéances permettent d'apporter un peu de fantastique dans le scénario, sans pour autant entrer dans la fantasy avec pouvoirs magiques et autres boules de feu.
Mais l'immense point fort de Crimes, ce ne sont pas ses règles. C'est ce qu'il propose de faire vivre aux joueurs. Des enquêtes, oui, comme son nom l'indique. Des enquêtes bien menées, avec les techniques d'investigation de l'époque détaillées dans le livre. Mais aussi, et surtout, une ambiance sombre, nimbée de brouillard, parfois sordide, souvent glauque. Crimes c'est avant tout un jeu d'horreur où l'homme apparait tel qu'il est, sans le vernis de la société : un monstre horrible n'ayant pas de réelles limites dans ses exactions. Une invitation à explorer les méandres de la folie, à s'y plonger soit-même, quand la frontière entre l'investigateur et le monstre devient de plus en plus mince.
Le fantastique, me demandera-t-on ? Oui, mais un fantastique littéraire. Ce qui est merveilleux (si j'ose dire) dans Crimes, c'est justement qu'à la fin d'un scénario on se demandera souvent "était-ce surnaturel ou y a-t-il une explication rationnelle ?". On ne sait pas. Et on se fiche de savoir, au fond. Car dans Crimes l'intéret ce n'est pas le surnaturel. C'est l'horreur humaine dans tout ce qu'elle a de sordide. Le fantastique n'est là que pour servir l'horreur, et non l'inverse comme dans d'autres jeux que je ne citerai pas.
Enfin, je termine cette éloge par un petit bémol, qui ne diminuera en rien l'amour que j'ai pour ce jeu : la campagne du livre. J'ai pour ma part eu beaucoup de mal à la comprendre et à retrouver tout ce dont j'avais besoin dans le livre. Cependant, sa qualité n'est pas à remettre en cause, elle demande simplement beaucoup plus de travail qu'une campagne moyenne de livre de base.
Ainsi s'achève cette critique, vous l'aurez compris, Crimes m'a totalement conquis.